27.6.05

26 - Première fois...

Il 19h30 lorsque Chloé sonne à la porte d’entrée.
Une demi-heure de retard ! J’ai cru devenir fou. Chaque seconde qui s’égrenait faisait grossir un peu plus la boule de stress qui me montait dans la gorge.
Un vrai supplice.

Avant cela, j’avais essayé de bosser en me levant tôt le matin.
D’ailleurs, je n’avais pas eu à me forcer. Ma mère m’avait téléphoné à 7 heures pour vérifier que j’étais bien levé et que j’allais mettre ces deux jours à profit et ne pas glandouiller.
_ Je vais vérifier que tu travailles bien tu sais ! Je te téléphonerai à l’improviste dans la journée !
_ Ouais, ouais, fais ça m’man. On sait jamais des fois que je m’évade !
_ Ne prends pas ce ton avec moi Romuald ! Tu as plutôt intérêt à travailler dur et à l’avoir ce bac. Sinon l’année prochaine on te fera vivre un enfer ton père et moi.
_ Tu me donnes super envie de bosser là m’man, merci.
_ ... Excuse moi tu as raison. Allez, bonne journée… et travaille bien !
_ Ok. Merci m’man. Bonne journée aussi.

Les parents sont casse couilles. C’est pour notre bien mais c’est quand même casse couilles.
J’ai bossé du mieux que j’ai pu en essayant de ne pas trop penser au moment où Chloé allait venir. Je peux dire que la matinée fut assez bien travaillée. L’après-midi par contre, j’étais de plus en plus fiévreux à mesure que le temps passait.
Et puis je me suis rendu compte que d’une part je n’avais pas assez à manger pour deux (ma mère n’ayant bien évidemment pas prévu dans ses petits plats une personne supplémentaire le samedi soir), et que d’autre part, je n’avais pas de capotes.
Je me voyais mal aborder le moment fatidique et demander à Chloé :
_ T’aurais pas des capotes par hasard ?
L’insulte ! Non seulement je n’en avais pas prévu mais en plus je sous-entendais qu’elle couchait partout et en avait en permanence avec elle.
Non, mieux valait être prévoyant.

Je me suis rendu à la supérette en face du Cofy Café, j’ai acheté les ingrédients pour faire une quiche et me suis arrêté au retour à la pharmacie.
J’aurais aimé que ce soit un vieux monsieur tout gâteux qui me serve mais non, bien évidemment ce fut une charmante jeune préparatrice au sourire merveilleux qui me servit :
_ Jeune homme ! Je peux vous aider ?
Déjà, avec jeune homme, ça commençait mal.
_ Euh, oui ! Je... hum… je voudrais… des… (*picotement dans le dos*)…
des préservatifs !
_ Pardon ! Je n’ai pas entendu ?
_ Hum ! (*Eh merde !*) Je voudrais des préservatifs !
_ Ah oui. Quel type ?
Houlà, je l’avais pas prévue celle-là !
_ Euuuh… je sais pas ! Normal, quoi !
_ Alors, nous avons le Full Love Pack©, le Performa©, le Xtra-pleasure©, le Futur©, le King-Size©, le Fetherlite©, le Elite©, le Crystal©, le Contact© ou alors ceux aromatisés fraise, banane, menthe ou chocolat !
J’étais rouge comme une pivoine et ça a du se voir. La préparatrice voyant mon embarras en choisit un et me le tendit :
_ Tenez, prenez celui-là. Il est très bien.


Je payais les capotes et me jurais de ne plus jamais revenir dans cette pharmacie avant d’avoir des enfants.

Lorsque j’ouvre la porte, Chloé baigne dans les rayons d’un soleil couchant.
Elle a noué ses cheveux à nouveau avec la baguette blanche nacrée. Des mèches retombent dans son cou. Elle porte une robe à fleurs discrètes, un petit pull moulant violet et sa veste beige.
Elle est magnifique. De toute façon, je crois que même dans un sac poubelle le crâne rasé je la trouverais belle.
Le repas est assez silencieux.
Ma quiche est plutôt réussie mais on n’en parle pas.

Puis à un moment, nos regards se croisent. J’ai envie d’elle tout autant que je redoute le moment crucial.
Elle aussi en a envie, je peux le lire dans ses yeux.
On se retrouve dans ma chambre. Je l’embrasse sur la bouche. Nos langues se mêlent, font plus ample connaissance. Chaque baiser est une découverte. Le tout premier contact de sa langue sur la mienne m’envoie des décharges dans le slip. Je ne sais pas à quoi c’est dû mais ça me fait sourire.
Elle sent bon. Sa peau est douce et délicate.


Nos respirations sont fortes et saccadées. On se caresse, on déboutonne, on dé zippe, on délace, on enlève, on arrache… on est nus !
Elle a un corps de rêve. Sa peau est ambrée. Ses cheveux retombent en cascades sur ses épaules saillantes.
Des seins sont ni trop petits ni trop gros. Elle me regarde.
Soudain je me rends compte de ma nudité et me sens gêné. Elle vient vers moi, passe ses bras autour de mon cou et éteint la lumière.
Je bande. Je sens son corps avec le mien. Elle est chaude.
On se caresse à nouveau puis on s’allonge sur le lit.
Elle prend la situation en main, me dirige, me conseille, me sensibilise.
J’ai l’impression de m’y prendre comme un manche mais si c’est le cas elle n’en montre rien.
Je délire de bonheur. Tout est si nouveau et tellement délicieux que j’en perds la tête. L’anonymat du noir me dope et chaque sensation est exacerbée par mon imagination.

J’aime les soupirs qu’elle pousse, les mouvements qu’elle fait.
Tout est si intense que je suis bien trop rapide.
Ca ne fait rien qu’elle dit, on va recommencer. J’aimerais bien, mais tout de suite après j’ai plus envie ! Pourtant ce n’est pas l’envie qui me manque.
Mais elle sait ce qu’elle dit. Après un câlin tendre, ses caresses me remettent vite dans l’action et l’on recommence.
Ca fait mal mais c’est bon.

Lorsque nous sommes enfin repus d’amour et de baisers, Chloé se lève vers la salle de bain.
J’allume. La lumière crue nous éblouit. Sur mon bureau, traîne encore le journal de Chloé. Comme un con j’ai oublié de le planquer.
A ce moment, elle reste interdite devant le bureau puis se retourne vers moi et plonge un regard dans le mien que je n'oublierai jamais...


(Episode 26: Scénario: nino / Illustrations: sadr)


9.6.05

25 - Tante Linda, le bac et l'amour...

Deux semaines se sont écoulées depuis l’enterrement d’Erika.
Le bac de français arrive à grands pas.
Ce week-end nous sommes invités chez la sœur de mon père : tante Linda. Elle habite dans la cambrousse à 3 heures de voiture d’ici.
Chaque année à la même période, on va la voir tous les quatre.
Elle vit toute seule au milieu de ses poules, son coq, ses 3 chiens et ses deux chats.


Ca pue de partout dans sa baraque mais moi j’aime bien.
Elle est un peu timbrée la tante Linda mais pas trop. Doux dingue comme on dit. Une originale au grand cœur.
Mon père bougonne et râle à chaque fois. Il ne l’aime pas trop je crois. Sidonie ma sœur non plus. Mais elle pour d’autres raisons : pas de télé, pas de réseau, pas de lecteur CD, rien. Retour à l’ère primaire !
C’est ma mère qui nous pousse à aller la voir. Elle qui ne voit jamais personne.

Malheureusement, cette année je n’irai pas.
Mes notes au dernier bac blanc étaient pas terribles. Du coup je suis censé rester seul ce week-end pour bûcher le bac.
Je suis pas mécontent d’un côté : j’aurai la paix pendant deux jours. Ca fout ma sœur en rage d’ailleurs.
Bien fait !
Quoique d’un autre côté j’aurais bien aimé revoir tante Linda plutôt que de rester enfermé à bosser.

J’ai revu Chloé plusieurs fois ces deux dernières semaines.
A chaque fois que je la quitte, je flotte.
J’écoute rien des cours, je remarque même plus si je suis sujet aux habituelles railleries ou pas. Je la dessine sans arrêt.
Dans ma chambre, dans un cahier spécial où je classe mes dessins sur lesquels je la dessine nue.
J’imagine ses seins en poire. J’imagine ses jambes lisses et soyeuses. J’imagine beaucoup de choses.


J’ai envie d’elle. Mais j’ai peur aussi.
A entendre les gars au lycée, je serais le dernier dinosaure à n’avoir jamais couché. Tous des fanfarons ouais ! Je suis sûr qu’ils n’ont jamais fait le quart du dixième de ce dont ils se vantent.
Chloé, elle, a déjà couché. Pourtant ce n’est pas une fille facile. Je le sais.
Je commence à la connaître ma Chloé.
Ca me fait tout bizarre de l’appeler ainsi.

Vendredi midi on a mangé ensemble :
_ Tu m’as pas dit que tes parents partaient ce week-end ?
_ Si ! Je suis un peu dégoûté. Je vais devoir bûcher sérieux.
_ Mais….. tu comptes bosser tout le temps ?
_ Ben… ouais pourquoi ?
_ Ohhh ! Je sais pas moi. Je me disais p’têt que la nuit t’allais pas bosser !
Moi, à 200 années lumière de ses sous-entendus.
_ Ben non. Je suis pas bosseur à ce point là ! Ha ha ha !
_ ...
_ Euh ! J’ai loupé un truc ou t’essais de me dire quelque chose Chloé ?
Elle me regarde avec un sourire en coin :
_ T’es pas banal toi, tu sais !
_ Hein ?
Elle se penche et m’embrasse sur le coin des lèvres et me chuchote :
_ Je me disais que si parents sont pas là, t’aurais pu m’inviter à dormir demain soir chez toi !
Là sur le coup, j’ai eu du mal à avaler ma bouchée. Et à ne pas l’envoyer sur la table d’en face non plus.


_ Attends ! T’es sérieuse ?
_ A ton avis ?
La pensée soudaine de me retrouver avec Chloé au pieu me frappa et je me sentis mal à l’aise. Intimidé.
Malgré tout, le désir de cette découverte en sa compagnie primait sur tout.
_ Nom de Dieu Chloé ! Je vais pas en dormir de la nuit !
Elle se leva, m’embrassa à nouveau et dit :
_ On se dit à demain alors ? 19h ça te va ?
_*Timide ok !*
Puis elle partit.

Je passais le plus clair de l’après-midi à ressasser ses paroles, à les boire, à les visionner, à les chérir. Ce week-end allait être le plus terrifiant et le plus fantastique de tous.



(Episode 25: Scénario: Nino / Illustrations: rvdd)