12.4.05

19 - A la dérive

C’est tout blanc.
Comme les couloirs de l’hosto.
Cotonneux.
Je flotte.
J’ai les paupières lourdes mais le sommeil est engourdissant.

Franck revient s’asseoir à côté de moi.
Depuis qu’Erika est revenue du bloc, elle repose dans un coma inexplicable.


Les médecins sont infoutus de nous dire ce qui s’est passé. Ils l’ont rafistolée, point barre.
Ils font 10 ans d’études et savent même pas donner d’explication.
Ca sert à quoi alors ? Autant pas faire les études.
Rhââââ, je sais bien que je dis n’importe quoi mais plutôt que de penser à ce qui pourrait arriver à Erika je préfère cracher sur les autres.
C’est plus facile et ça défoule.

« Putain, ça fait des mois qu’on ose rien se dire et c’est au moment où ça marche entre nous qu’y faut qu’elle tombe dans le coma ! »
Franck a parlé le regard dans le vide, les yeux pleins de larmes. Je reste incapable de dire quoi que ce soit. Ma poitrine se comprime et dessine un rictus horrible sur ma bouche. J’ai la gorge nouée et moi aussi les larmes montent comme des vagues successives de plus en plus fortes. Jusqu’à l’explosion finale où un cri sort de ma bouche et que les larmes déferlent.


Franck et moi nous prenons dans les bras et chialons comme des gamins. Dans ses bras, je repense aux tranches de rigolades avec Erika et lui. Nos matchs de badminton, le ciné, le bowling… Nos discussions à l’ombre du feuillage des arbres du parc, allongés l’été dans l’herbe grasse et grattante.

« J’me sens si bête Rom, de t’avoir parlé comme ça l’autre jour. Tu sais, Erika était pas contente que je t’engueule et j’ai regretté. J’avais l’intention de m’excuser et puis…et puis… » larmes à nouveau, accolades, souvenirs...
C’est con la vie des fois.

La douleur passe, pour quelques instants seulement.
Franck se lève : « Tu veux un café ? »
« Non, ça va aller. J’en suis déjà à 6. J’vais attendre un peu. »
« Ok. Je reviens ! »

Les parents d’Erika sont avec elle dans sa chambre. Ils ont demandé des fauteuils pour être près d’elle. J’ose pas entrer, si ils dorment.
Bientôt 23h.
L’une des portes anti-incendie s’ouvre. Quelqu’un marche dans le couloir et vient s’asseoir à côté de moi. J’ai les yeux ventousés dans les paumes de main, les coudes sur les genoux.
Une voix que je connais trop bien dit : « Alors ? On sait ce qu’elle a ? »
Je me relève lentement avant de tourner la tête.
Elle est là, assise, les mains sur ses cuisses, à regarder droit devant. Son profil se découpe sur la porte du fond et un instant ma vision se trouble : Mélanie !


« Kess tu fous là toi ? » je lui lance.
« Ca va Romuald. Pouce comme on disait gamin. On fait la trêve tu veux bien ? Je suis pas là pour me faire taper dessus ni te rabaisser. »
« Ah ouais ! Ben je vois toujours pas pourquoi t’es là alors ! »
« Je m’inquiète pour Erika pardi ! »
« Pourquoi ? Elle aussi t’as des vues dessus ? »
Je suis peut-être allé trop loin.

« Bon écoute, dit-elle en se levant, je vais mettre tes réflexions sur le compte de la douleur mais sache que j’étais sincèrement venue prendre de ses nouvelles. Et que ça te fasse un deuxième trou je m’en balance. » Et elle met les voiles.

Je restais seul quelques instants à digérer sa venue et ses mots.
Je décidais de la rattraper. Je la trouvais en bas, près du parking.
« Mélanie ! Attends ! »
« Quoi ? »
« Bon ben excuse moi, quoi. Je suis pas bien ces temps-ci. »
« Ouais bon ça va. »
« Erika est dans le coma. Ils savent rien ou veulent rien nous dire mais en tout cas elle vit. Autant elle peut se réveiller maintenant autant jamais. »
Elle reste silencieuse.
« Je savais pas que c’était grave à ce point là ! »
Elle semble sincère. Subitement, je me rends compte qu’on est presque des adultes.
On parle de choses graves avec un ton grave.
« Tu lui feras une bise de ma part quand elle se réveillera, ok ? » Et elle me fait un clin d’œil.
Je souris. Les larmes remontent.

Mélanie s’éloigne. Elle disparaît petit à petit dans la nuit.
Mais avant de s’évanouir elle se retourne et me lance : « Mais t’inquiète, Dents d’acier. J’oublis pas que je te dois toujours une mandale ! »
« J’y compte bien grosse vache ! »

L’espace de courts instants j’ai vu Mélanie humainement et humaine.
Elle a réussi à me faire oublier la réalité et revenir quelques jours en arrière, là où mes problèmes ne sont plus maintenant que bien ridicules face à une mort éventuelle.



(Episode 19: scénario: nino / illustrations: Miss Gally)


9 Comments:

Anonymous Anonyme said...

Je dirais épisode adulte, je rajouterais que ca tombe bien car les dessins (j'y reviendrais) n'auraient pas collés avec tous les scénars.
Je suis sur le cul de voir l'habileté avec laquelle Gally s'est "adaptée" au style de votre blog, c'est vraiment de l'excellent boulot...
Le Romuald de l'illus 3 est certainement le plus "beau" depuis le début de cette aventure.

7:57 PM  
Anonymous Anonyme said...

bon et bien elle n'est pas vraiment enceinte, en tout cas c'est toujours du bonheur! Et je voit qu'on est revenu a un romuald avec une belle gueule de looser rongée par l'acné lol, il commencait presque à devenir un beau gosse au fil des épisodes.

8:35 PM  
Anonymous Anonyme said...

Vive Miss Gally !!!

Elle a réussi à adpater son style, et d'une très belle manière.
Post vraiment intéressant et intrigant.
Je suis impatient de connaître la suite ^_^

1:43 AM  
Anonymous Anonyme said...

Waouh, bluffé, scotché, là !!

Normalement j'aurais du bossé, cet après midi, et j'ai découvert ce blog.... j'ai tout pris depuis le début et j'ai tout lu !! (bon, par accoup, fallait quand même que je fasse semblant de mériter mon salaire !)

Bravo, et encore !!

5:15 PM  
Anonymous Anonyme said...

Merci à vous tous.
J'avoue que cet épisode me plaît pas mal. On se rend compte que les personnages ne sont pas ou tout blanc ou tout noir. Les psychologies évoluent doucement et ma foi, je trouve que tout ce petit monde fonctionne pas mal.
Et moi aussi, j'ai été complètement bluffé par les dessins de Miss Gally qui décidément saura toujours me surprendre :)

10:05 AM  
Anonymous Anonyme said...

C'est du beau boulot ça, je reviens régulièrement sur la page pour relire des morceaux, j'avais d'abord trouvé très très poétique la manière dont Gally a représenté érika qui sombre... Et puis voilà mon esprit retors se dit que la dernière fois qu'on a entendu parler du naufrage d'erika, c'est surtout les mouettes qui s'en sont prises plein les plumes.

Et je reste scotché à l'histoire, vivement la suite (who's next ?)

3:55 PM  
Anonymous Anonyme said...

Bravo! vraiment ce blog commence à devenir indispensable !

6:36 PM  
Anonymous Anonyme said...

Well done!
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9:46 AM  
Anonymous Anonyme said...

Good design!
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9:47 AM  

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